Et si le caprice n’existait pas ?


Le « caprice » est un terme fréquemment employé de façon négative. Il exprime la notion de manifestation violente, soudaine et irréfléchie. Or, ces crises de colère intempestives font partie de l’apprentissage du jeune enfant. Elles servent à exprimer leurs émotions : colère, frustration, insatisfaction, mal-être. Elles sont nécessaires au développement de la personnalité de votre tout petit ! Essayons de décortiquer le mythe du caprice pour comprendre son enfant et trouver les solutions adaptées en cas de crise.

Qu’appelle-t-on caprice ?

En réalité, on a tendance à classer, à tort, sous l’étiquette « caprice » toutes les manifestations disproportionnées et gênantes de l’enfant, à partir du moment où l’adulte ne les comprend pas. Qui n’a jamais pensé, en présence d’un enfant en pleurs dans un supermarché : « que font les parents ? » On ne cherche pas à comprendre ce que cherche à exprimer l’enfant à travers ces crises de colère soudaines.

Lorsqu’un adulte exprime une réaction excessive, dit-on de lui qu’il fait un caprice ? Non. On évoque une situation de stress, un besoin de repos, une mauvaise journée de travail… Alors pourquoi, lorsqu’il s’agit d’un enfant, classons-nous systématiquement l’expression d’une émotion négative sous le terme « caprice » ? La réponse est simple : nous ne comprenons pas ce que notre enfant essaie de nous dire. Or, il est important de pouvoir décoder les messages qu’il essaie de nous transmettre.

Le caprice laisse penser aux parents que l’enfant essaie de leur nuire ou de profiter de la situation. Le mot « caprice » oriente implicitement vers la notion de manipulation. Mais l’on sait aujourd’hui que chez la grande majorité des enfants, de la naissance jusqu’à 4 ans (et parfois, au-delà) cette notion n’est pas encore acquise.  

Pourquoi le caprice n’existe pas ?

A travers les pleurs incontrôlables, le refus de manger ou de dormir, les roulades par terre et les cris, l’enfant essaie de faire passer un message à ses parents : quelque chose le chiffonne. 

C’est en étudiant le développement de l’enfant que l’on comprend pourquoi le caprice n’existe pas :

  • il ne sait pas contrôler ses émotions
  • il n’a pas la notion du temps et vit dans le présent
  • l’expérimentation est un besoin fondamental qui lui permet de comprendre le monde

Il ne sait pas contrôler ses émotions

Un enfant n’est pas assez mature pour contrôler ses émotions. Avant 5 ans, son cerveau n’est tout simplement pas capable de raisonner. Les structures cérébrales permettant de prendre du recul sur une situation et de se « modérer » atteignent leur maturité aux alentours de 5, 6 ou 7 ans (l’âge de raison). Cette notion explique pourquoi un enfant en bas âge peut se mettre dans tous ses états pour une chose qu’un adulte qualifierait « d’insignifiant ». Ce n’est pas de la manipulation ou de la comédie ! Les sentiments qu’il ressent sont bien réels, et lui demander de se calmer n’y changera rien, il en est incapable et se retrouve submergé par des émotions intenses et incontrôlables. Le seul moyen pour lui de les exprimer est à travers ces crises, qui sont un appel à l’aide.

Il n’a pas la notion du temps et vit dans le présent

Notre cerveau d’adulte permet de nous projeter dans le futur ou dans le passé. C’est ce qui nous permet de planifier des activités, de prévoir des projets à plus ou moins long terme, ou de nous situer dans l’espace temps. Chez l’enfant, c’est totalement différent. Il est incapable de se projeter et vit dans le présent. Il ne peut anticiper les conséquences de ses actes, et penser en termes de finalité. Pour comprendre le monde qui l’entoure, il expérimente à son rythme. 

L’incapacité à se projeter dans le temps explique pourquoi les adultes ont souvent l’impression qu’un enfant n’est « pas capable de voir plus loin que le bout de son nez ». Par exemple, l’enfant refuse de mettre son manteau pour sortir alors qu’il fait froid dehors, ce qui a tendance à énerver ses parents. Mais l’enfant ne pense pas à « l’après » : le risque d’attraper froid, la maladie, les parents qui doivent parfois prendre un jour de congé pour s’en occuper, etc. Il pense simplement qu’il n’a pas envie de mettre son manteau.
Par ailleurs, les zones d’impulsions et d’inhibition dans le cerveau des enfants âgés de moins de 4 ans ne sont pas encore parfaitement connectées : ils n’ont pas encore la capacité d’inhiber leurs impulsions, comme un adulte pourrait le faire. Ces différences entre le cerveau d’un enfant et d’un adulte expliquent les tensions générées par ces réactions, et l’impatience ressentie par les parents en cas de « non-coopération ».

L’expérimentation est un besoin fondamental pour comprendre le monde

L’enfant est un explorateur, n’en déplaise à ses parents ! Les plus petits ont une grande soif de découverte qu’on ne devrait pas essayer de limiter, car elle est essentielle à son développement. Pour comprendre le monde qui l’entoure, il a besoin de toucher, de courir, de grimper, de sauter… Cette soif insatiable le pousse à être constamment en mouvement et à rechercher activement les situations qui lui permettent de développer cette acquisition.

Si sa joie et sa concentration sont interrompues durant l’une de ses explorations, il peut ressentir de la frustration et l’acquisition sera plus compliquée à obtenir. Ces situations peuvent également provoquer des tensions, injustement qualifiées de « caprices ». 

Si on laisse agir l’enfant, qu’il se calme instantanément et qu’il reste concentré sur sa tâche sans solliciter un adulte, c’est le signe de l’une de ces manifestations, ce n’est pas un caprice.

Les causes possibles d’une crise de colère

En cas de crise de colère, il faut s’interroger sur la cause du « caprice » afin d’éviter que la situation ne se répète et accompagner au mieux son enfant pour la traverser. La crise n’est en général pas le problème, mais en est un symptôme. S’interroger et comprendre le développement de l’enfant avec empathie peut aider à éviter les caprices.

Bien souvent, ces manifestations excessives peuvent être dues à :

  • l’insatisfaction d’un besoin de stimulation ou d’attention ;
  • la perturbation dans sa représentation du monde ;
  • une maladie, douleur ou encore un besoin physiologique non satisfait ;
  • une tension à cause d’une « sur stimulation » (trop d’informations à traiter) ;
  • un manque d’attention/un besoin d’amour ;
  • un comportement inadéquat du parent (parole, geste déplacé)
  • tout autre situation stressante : déménagement, séparation, rentrée scolaire, l’arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, etc.

Que faire face à un enfant en crise ?

  • Garder son sang-froid, et rester calme. Attention l’émotion par l’enfant est contagieuse !
  • Accepter l’expression des émotions de son enfant, qu’elles soient positives ou plus déplaisantes : toutes ces réactions sont normales et saines. Faire taire des émotions négatives enverra le signal à l’enfant qu’elles ne sont pas normales. Cela peut être une source de stress et de frustration.
  • Accepter son enfant et lui donner de l’amour, quelle que soit la situation : si l’enfant se sent aimé et écouté, il sera plus enclin à s’épanouir dans une relation parent-enfant de confiance.
  • Respecter l’enfant en tant qu’individu.
  • L’aider à retrouver le calme, la sécurité, et l’aider à comprendre ses émotions pour pouvoir mieux les gérer.
  • Enfin, comprendre et travailler sur la source du problème en cas de crises répétées et violentes, plutôt que vouloir régler le symptôme (la crise).

Sources :

FILLIOZAT I. Auteure. Au coeur des émotions de l’enfant : comment réagir aux larmes et aux paniques. Editions Marabout, 2019.

FILLIOZAT I. Auteure. J’ai tout essayé, opposition, pleurs et crises de rage : traverser la période de 1 à 5 ans. Editions Marabout, 2019.

GUEGUEN C. Auteure. Vivre heureux avec son enfant. 2nd édition. Editions Robert Laffont, 2015.

Pr MARCELLI D. Les “caprices” : un passage obligatoire pour la construction de la personnalité de votre enfant. MPEDIA, spécialiste de l’enfant. Article Mis à jour le 29 novembre 2018 (consulté le 8 octobre 2019). Disponibilité sur internet : https://www.mpedia.fr/art-caprices-comment-les-gerer/